Inégalités hommes/femmes dans le sport : un (en)jeu de représentations

Les athlètes féminines de haut niveau affrontent bien plus que leurs adversaires : elles doivent aussi lutter pour leur visibilité et leur reconnaissance dans un monde sportif largement dominé par les hommes. Ces défis sont le reflet de la place des femmes dans notre société. À l’occasion de la sortie de la série S.P.O.R.T.I.V.E du média Tilt, nous nous sommes penchés sur les inégalités encore criantes dans la médiatisation, les pressions sociales et les stéréotypes qui freinent les sportives. Explorez comment, à travers des campagnes marquantes et des exemples inspirants, il est possible de changer les récits et de mettre en lumière ces défis pour bâtir une société plus juste.

Être visible en tant qu'athlète féminine… c’est sport !

 
À l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, le média Tilt a lancé en juillet 2024 la mini-série S.P.O.R.T.I.V.E qui décrypte les défis sociétaux auxquels sont confrontées les athlètes féminines de haut niveau. Réalisée par Julie Quintard et co-écrite par Anaïs Bohuon, la pointe humoristique de chaque épisode est apportée par Amélie Coispel. À travers ce ton léger, la série décrypte les enjeux de société cristallisés dans le monde sportif, notamment dans les médias, qui résonnent bien au-delà pour les femmes.
 
En effet, les imaginaires autours des sportifs sont largement véhiculés par la télévision, le cinéma ou les séries. Or, les sportives, à l’image des femmes dans la société, sont, elles, bien moins représentées dans les médias. En prenant l’exemple des Jeux Olympiques de Paris 2024, un rapport de l’Arcom montre que sur l'ensemble des jeux, seul 37% du volume horaire de retransmissions d’épreuves concernait du sport féminin. De plus, selon ce même rapport, l’écart entre la réalité des épreuves féminines qui se déroulaient et leur retransmission par les médias français était d’autant plus grand aux moment de grande écoute (20h-21h).

Il est à noter que les retransmissions du sport féminin n'œuvrent parfois pas en faveur d’un changement d’imaginaire sur les femmes, puisque certains commentaires ou cadrages réitèrent le sexisme présent dans la société envers les femmes. Par exemple, une étude réalisée pendant les Jeux d’Athènes en 2004 montre que plus de 20 % des plans de caméra étaient des plans serrés de la poitrine des joueuses et un peu plus de 17 % des plans étaient des plans de fessiers. La sexualité est parfois utilisée pour promouvoir les athlètes et vendre le sport. En effet, l’économie du sport se privatise de plus en plus. Selon un rapport de l’UER, la diffusion sportive en clair (gratuite) représentait, en 2022, 4,9 milliards d'euros pour l'économie européenne. Toutefois, cela n’est pas représentatif du monde du sport puisque 97% du volume horaire total des retransmissions sportives est diffusé par les chaînes payantes. Dans les médias télévisuels, sur quatre années, la proportion de sport féminin diffusée sur les chaînes françaises est passée de 3,6 % en 2018 à 4,8 % en 2021. Pour pallier ce manque de représentation et de mise en avant dans les médias des sportives, l’Arcom lance chaque année l’opération “Sport Féminin Toujours” qui incite les médias à diffuser davantage de retransmissions sportives féminines et à aborder les thématiques liées à la pratique féminine du sport.

Des inégalités exacerbées dans le sport

 
Cette question de la parité dans les représentations sportives pourrait être anecdotique, mais elle est pourtant le reflet de la société contemporaine. Dans la liste des 100 athlètes les mieux payés dans le monde en 2024, établie par le média d’information Sportico, aucun d’entre eux n’est une femme. En France, les femmes sont aussi moins bien payées que les hommes puisqu'elles touchent 23,5% de moins que ces derniers, tous temps de travail confondus selon l’Observatoire des Inégalités en 2025.
 
Ainsi, les représentations audiovisuelles et les réalités vécues par les femmes s’entrecroisent et se ressemblent. Pour changer la société, il faudrait commencer par changer ces représentations. C’est notamment l’objet de la campagne publicitaire lancée en 2018 par la Fédération du sport Irlandais : “If she Can’t see it, she Can’t be it”. L’objectif de la campagne était notamment d’augmenter de 20 % la couverture médiatique des femmes dans le sport afin d’opérer un changement culturel dans la perception du sport féminin. Ce changement de représentations passe également par une plus grande mise en avant des championnes, pour faire office de “rôles modèles”.
 
De nombreuses œuvres audiovisuelles visent à inspirer les femmes du monde entier, et notamment les jeunes sportives. Le biopic Marinette, sorti en 2023, qui raconte l’histoire de la meilleure joueuse de l’équipe de France de football, Marinette Pichon, en est un exemple. À l'international, Netflix a notamment produit deux séries documentaires sur les athlètes Simone Biles, brillante gymnaste et Naomi Osaka, star du tennis, retraçant leur parcours, leurs doutes et leurs victoires jusqu’aux plus hauts sommets. Ces rôles modèles ont une place très importante dans la construction des imaginaires collectifs, puisqu’elles permettent aux jeunes filles de se projeter dans le sport à haut niveau, tout en relativisant plusieurs blocages physiques, mentaux ou matériels. En 2019, Adidas tente par une campagne publicitaire intitulée “She Breaks Barriers”, de promouvoir la représentation des sportives à l’écran. On y retrouve des femmes incontournables du sport féminin français telles que Allison Pineau, Audrey Tcheumeo ou Aïssatou Tounkara.

Ces récits sont teintés de la réalité des sportives d’aujourd’hui, et permettent notamment de mettre en lumière des défis sociétaux qui pèsent sur les athlètes féminines de haut niveau. Le documentaire Laure ! Laure ! Laure ! sorti en 2024 montre comment Laure Manaudou, championne de la natation française subit la pression d’une surmédiatisation et ce qui en découle à seulement 17 ans. Il en est de même dans le film documentaire consacré aux soeurs Williams : Venus & Serena - Ces icônes que l'Amérique ne voulait pas voir montre les deux athlètes dans leur lutte contre le sexisme et le racisme dans le monde du tennis.
 
En effet, les athlètes féminines font face à des critiques bien plus nombreuses que leurs homologues masculins. Sur le physique, elles souffrent de discrimination, comme le rappel à Handicap.fr la triple championne paralympique de para-athlétisme Marie-Amélie le Fur : “Il existe une forme d'injonction contradictoire très forte dans le para sport féminin ; il nous faut développer une musculature importante pour générer de la performance mais ce corps d'athlète nous écarte, en quelque sorte, des codes de la féminité. Cela peut représenter un frein pour la femme mais aussi pour les médias et les partenaires”. Le documentaire Toutes Musclées d’ARTE (2022) montre les remarques auxquelles sont sujettes les femmes sportives sur leur physique, et tous les stéréotypes qu’elles doivent déconstruire pour continuer leur parcours sportif.

Sur leur mental, les sportives de haut niveau sont aussi souvent montrées du doigt. La marque Nike a dédié une publicité sur le sujet : Dream Crazier (“Rêver plus fou”). La voix de Serena Williams dénonce tous les clichés pour lesquels les athlètes féminines sont critiquées : si une femme se bat pour une cause, c’est qu’elle est instable. Si elle exprime de la colère, c’est parce qu’elle est irrationnelle. Une réalité malheureusement observable : dans les statistiques de l’étude de l’Arcom, il est indiqué que, durant les Jeux olympiques de Paris 2024, 45% des discussions en ligne à propos des athlètes féminines portaient sur des controverses et des polémiques, contre seulement 12% sur les performances en direct des sportives. Au contraire, pour les hommes, ces deux chiffres sont inversés.

Les femmes sont également nombreuses à voir leur pratique sportive reléguée au second plan, voire dévaluée. C’est ce que dénonce le film Battle of the Sexes, sorti en 2017. Inspiré d’une histoire vraie, il met en scène un ancien numéro un mondial de tennis, Bobby Riggs, qui défie une championne de tennis, Billie Jean King, de l’affronter en match simple. Alors qu’elle est engagée dans un combat pour que les femmes soient autant respectées que les hommes sur les courts de tennis, son adversaire est profondément misogyne et tente de minimiser les performances de la joueuse. Un thème récurrent puisqu’il est aussi abordé dans le film Million Dollar Baby sorti en 2004. Alors que “Maggie” veut se faire entraîner à boxer par l’un des meilleurs, celui-ci lui dit simplement “Je n'entraîne pas les filles”. Heureusement, avec un peu d'insistance, elle arrive à convaincre l’homme qu’elle aussi, peut être impressionnante. La prestation trop souvent systématiquement dévaluée des joueuses est un vrai problème, que tente de dénoncer, par la surprise, la campagne publicitaire d’Orange, “Les actions folles de l'équipe de France qu'on a tous oubliées”.

Les femmes représentent la moitié de l'humanité. Le sport doit donc être à l’image de la société que l’on souhaite. Et cette image d’une nouvelle société souhaitable doit se refléter sur les écrans.
Ce message qui vise l’égalité entre les hommes et les femmes dans le monde du sport de haut niveau devient de plus en plus fortement relayés. Des campagnes publicitaires diffusées dans le monde entier invitent filles et femmes à se battre au-delà des clichés. C’est le cas de la campagne publicitaire Nike diffusée au SuperBowl 2025 “So Win.” qui encourage les femmes à s’engager dans le sport qu’elles aiment, même si elles ne semblent pas y avoir été invitées.

Le sport féminin, il faudrait en parler 365 jours par an [...] et faire rêver des jeunes filles. Elles peuvent aussi demain prétendre faire du sport de haut niveau.

Construire de nouveaux récits

 
Ainsi, dès leur arrivée dans le sport, les femmes ont souvent été peu représentées dans les médias, bénéficiant d’une couverture médiatique et d’un temps d’antenne bien inférieurs à ceux accordés aux hommes. Cette sous-représentation limite la visibilité des athlètes féminines et leur capacité à inspirer d’autres femmes et jeunes filles à s’investir dans le sport. Et pour celles qui s’investissent, leurs performances restent encore trop souvent sous-évaluées et moins récompensées que celles de leurs homologues masculins.
 
Dans ce contexte, les reportages comme les publicités et les productions audiovisuelles jouent un rôle crucial : ils doivent non seulement dénoncer les inégalités et les pressions auxquelles les sportives sont confrontées, mais aussi valoriser leurs exploits et souligner leur place essentielle dans la société. À l’occasion de la “Journée internationale du sport féminin”, célébrée le 24 janvier, Marie-Françoise Potereau, ancienne cycliste de haut niveau et vice-présidente du Comité national olympique et sportif français, a rappelé au micro de France Info : “Le sport féminin, il faudrait en parler 365 jours par an [...] et faire rêver des jeunes filles. Elles peuvent aussi demain prétendre faire du sport de haut niveau."
 
Chez Imagine 2050, nous croyons au pouvoir des récits désirables. C’est pourquoi nous formons les professionnels de l'audiovisuel et de la communication, afin de construire au mieux les nouvelles inspirations du monde de demain, et changer la donne pour les générations de sportives à venir. Nos formations sont adaptées aux besoins des métiers de chacun.
 
Malgré tout, si vous doutez encore du pouvoir des imaginaires, venez vous sensibiliser à la question avec notre MOOC Imagine 2050 sur les nouveaux récits de société.
 
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