Repenser l’écologie grâce aux nouveaux imaginaires

Dans le cadre de l’événement “Jour E”, une journée dédiée aux entreprises et à l’environnement, Bpifrance et Big média ont organisé un débat au Palais Rameau de Lille sur le thème “Comment repenser l’écologie avec les nouveaux imaginaires”. Magali Payen, la fondatrice du mouvement de mobilisation citoyenne On Est Prêt et d’Imagine 2050, a été invitée à intervenir aux côtés de Camille Richard, responsable de l’impact dans le fonds d’investissement Alter Equity, et Olivier Covo, le cofondateur du label à impact positif Mangrove Music, pour répondre aux questions de Millie Servant, rédactrice en chef du média Climax. Si vous souhaitez comprendre ce que sont concrètement les ‘nouveaux imaginaires’, leurs importance dans notre époque, et comment ils peuvent infuser l'économie, vous êtes au bon endroit.

À quoi servent les nouveaux récits ?

 
Les nouveaux imaginaires permettent de se projeter dans des scénarios d’avenir pour, une fois dans le présent, développer les solutions les plus adaptées à la crise environnementale. Un nouveau récit est l’histoire qui donne vie à cet imaginaire, le rend visible et concret.
 
Aujourd’hui, trois grands scénarios prospectifs permettent d'entrevoir à quoi ressemblera notre future société. Celui du “Business as usual”, c'est-à-dire on continue dans la même direction, on ne change rien dans nos modes de vie. Celui dans lequel la technologie peut nous sauver, autrement appelé le “Techno-solutionnisme”, un scénario qui est actuellement en train de s’imposer. Et le scénario souhaitable pour maintenir l’habitabilité de notre planète, celui de la “Sobriété”. Les deux premiers scénarios présentent de nombreuses limites physiques, politiques, techniques, économiques et autres, et les experts et scientifiques doutent de leur viabilité. Concrètement, développer une culture des sobriétés apparaît comme notre seul recours face aux crises environnementales et sociales. C’est là que les nouveaux récits entrent en jeu. Aujourd’hui, notre modèle sociétal et culturel rend les comportements plus sobres effrayants, inacceptables ou impensables. Dans son intervention, Olivier Covo, cofondateur du label Mangrove Music, définit comme “l’algorithmisation de la pensée”, un enfermement intellectuel qui nous empêche de penser autrement que dans les cadres déjà normalisés et nous fait tourner en rond. Il devient difficile d’imaginer le monde autrement que comme celui qui a été normalisé. Il y a donc un immense enjeu pour le cinéma, les industries créatives et culturelles, mais aussi pour les entreprises et les décideurs politiques : celui de nous faire désirer une société plus sobre. De nous montrer à quoi elle pourrait ressembler, non pas comme un sacrifice, mais comme un mode de vie plus heureux, plus sain, plus juste et plus durable.

Millie Servant, Camille Richard, Oliver Covo et Magali Payen sur le plateau de Big média et Bpifrance

Ces nouveaux récits ne sont pas d’extravagantes utopies. Un nouveau récit s’appuie avant tout sur une analyse lucide de la réalité et sur un diagnostic des problèmes sociétaux. Selon Olivier Covo, il ne faut pas confondre récits et storytelling : “un récit est incarné par le réel, autrement c’est du storytelling, qui lui est incarné par des systèmes fantasmés”. Magali Payen, présidente d’Imagine 2050, souligne l’importance d’une écologie du réel, ancrée dans le quotidien des gens. Il est nécessaire de comprendre ce que ces derniers vivent réellement, en tenant compte, par exemple, des problèmes de santé, ou économiques. C'est seulement à partir de cette réalité que l’on peut dessiner de réelles solutions, qui sont pensées de manière systémique.

Un exemple concret

Aujourd’hui, nous avons besoin de récits à forte charge symbolique, tout en respectant la réalité du monde dans lequel nous vivons dans ces récits. Parce que nous sommes des êtres de mimétisme, il est nécessaire de voir dans des œuvres culturelles, cinématographiques, de séries ou autres qu’il est possible de vivre autrement et que l’écologie peut être désirable. Magali Payen donne un exemple concret en expliquant comment Imagine 2050 a collaboré avec les scénaristes du feuilleton populaire ‘Plus Belle La Vie’ pendant plusieurs années. L’objectif était de diffuser des récits écologiques plus joyeux et inspirants. Dans le cadre d’une arche narrative sur un blackout électrique, les scénaristes de “Plus Belle La Vie” n’arrivaient pas à imaginer autre chose qu’une catastrophe et une guerre civile. Le rôle de Imagine 2050 a été de documenter ce qu’il s’est passé lors de vraies de coupures d’électricité géantes. Il s’avère qu’aux États-Unis et dans d’autres pays victimes de blackout, l’humanisme et l’entraide ont en réalité pris le pas sur l’individualisme. Parce que les catastrophes écologiques, démocratiques, géopolitiques vont s'accélérer, il faut dès maintenant nourrir des imaginaires positifs et solidaires, notamment dans la fiction audiovisuelle, pour remédier à ces crises.

Les nouveaux récits au service de l’économie

Camille Richard, directrice de l'impact au sein du fonds d’investissement Alter Equity et ex-Head of Sustainability chez Back Market, explique la manière de raconter l'écologie comme un bénéfice et non une contrainte dans le monde de l’entreprise.

Ce que j’ai pu observer, dans les différentes structures où j’ai travaillé, quelle que soit la taille, c’est qu’une gouvernance avec l'écologie et le social au centre de cette gouvernance et de la stratégie, c’est une entreprise qui dure.

L’écologie n’est pas en opposition à l’économie : au contraire, elles sont complémentaires et toutes deux indispensables à la pérennité de l’entreprise. Camille Richard adopte une façon différente de raconter l’écologie, adaptée au monde de l’entreprise. Selon elle, les salariés d’entreprise n'entreprendraient pas forcément la mise en place de processus écologiques par altruisme ou bienveillance, car ils sont souvent emprisonnés dans des logiques industrielles et business très oppressantes. Camille Richard ne mise pas sur un changement de mentalités des salariés, mais plutôt sur un récit dans lequel l’incorporation de l’écologie est une stratégie business et durable pour l’entreprise. Il est crucial de les éduquer sur le fait que l’écologie, outre sa nécessité d'être adoptée pour la survie de notre espèce, est une solution à part entière à de nombreuses problématiques survenant au sein d’entreprises. Lorsqu’elle est correctement menée et appliquée largement dans l'entreprise, l’écologie peut constituer un levier puissant de transformation et de performance. Elle rendrait possible la mise en place de modèles permettant à l'entreprise de durer et de réduire ses coûts et ses risques.
 
Magali Payen croit en l’éducation sur la nécessité d’un monde plus respectueux de l’environnement et à l’adoption de gestes éco-durables au sein de la culture. Selon elle, les sphères citoyenne, culturelle, médiatique, économique, industrielle et politique sont intrinsèquement liées. Lorsqu’un bloc se met en mouvement, il entraîne les autres dans son élan, provoquant des répercussions sur l’ensemble des acteurs composant ces blocs. Dans la sphère entrepreneuriale, ce sont les salariés qui sont à l’origine de ces dynamiques. Ils connaissent les rouages internes, savent identifier les leviers d’action et les jeux politiques, ce qui leur confère la capacité de faire bouger les lignes de l’intérieur. C’est ce que fait Imagine 2050 en proposant aux organisations des formations en interne sur les limites planétaires et les nouveaux récits. En ciblant des secteurs stratégiques, Imagine 2050 forme les salariés à penser autrement et à se projeter dans un avenir souhaitable, afin d’insuffler une nouvelle culture d’entreprise alignée avec les enjeux écologiques. En réformant certains secteurs, d’autres seront impactés, et petit à petit, les prises de consciences mèneront à des prises de décisions en faveur d’une société plus juste et durable.
 
Selon Magali Payen, nous avons plus de pouvoir que nous l'imaginons.

On n’est jamais un simple citoyen. C'est-à-dire qu'en plus d'être citoyen on est l'enfant de quelqu'un, l'élève de quelqu'un, l'électeur de quelqu'un et donc on a beaucoup plus de pouvoir que ce qu'on imagine, et il y a énormément de manières, douces ou fortes, de faire pression sur ce monde économique.

La présidente d’Imagine 2050 conclut son intervention sur une note optimiste : “Les victoires sont à portée de main, à condition qu’on essaye de les décrocher”.

Pour aller plus loin, regardez la vidéo complète de cette table ronde sur les nouveaux imaginaires, lors de l’événement “Jour E” organisé par Bpifrance et Big média, à Lille, le 3 avril 2025.

Si vous souhaitez sensibiliser les collaborateurs et collaboratrices de votre organisation aux enjeux de transition écologique et créer cette culture des nouveaux récits, avec nos conférences, nos formations, nos ateliers ou notre MOOC IMAGINE 2050, contactez-nous.