Bonjour Julie, tu es la réalisatrice, autrice mais aussi l’une des actrices principales de BAKELITE. J’aurais aimé commencer en élucidant un mystère : ça veut dire quoi, “bakélite” ?
Au début, quand j’ai proposé le projet à Hortense Le Calvez (co-autrice du film, ndlr) je l’avais appelé Le Géant amoureux. En fait, je ne connaissais pas ce terme de « bakélite ». C’est Hortense qui a fait cette proposition et qui m’a expliqué que la bakélite était l’ancêtre du plastique, sa première forme industrialisée et donc notre premier contact de masse avec cette matière révolutionnaire qui au départ était une innovation positive. Le géant représente notre relation à la matière plastique. Il est au début presque à taille humaine, il suscite la curiosité, il est quasiment mignon. Mais après avoir accepté la danse avec l'humanité, celle-ci va tellement l’aimer qu’il va grossir de plus en plus jusqu’à devenir menaçant et absorber sa partenaire. Seule l’intervention d’autres humains va permettre de la libérer. Le message est évidemment que chaque geste compte mais que c’est par leur multiplicité qu’on arrivera au bout de la lutte. On y arrivera ensemble.
BAKELITE c'est donc un film à impact pour appeler à l'action contre la pollution plastique, notamment dans le cadre de la campagne #SickOfPlastic de On Est Prêt. En tant qu'apnéiste, la mer est un milieu dans lequel tu évolues au quotidien et avec lequel tu entretiens un rapport particulier. Est-ce que tu as vu un changement ces dernières années en termes de pollution plastique ?
Je vois de plus en plus de micro-plastiques et c’est effrayant car on peut nettoyer une plage jonchée de déchets, mais comment nettoyer la mer de plastiques qui ont la taille et la densité du plancton ? Il faut absolument, au-delà de consommer moins ou de recycler le plastique, arrêter de le produire sinon on est comme Sisyphe et son rocher. C’est un cycle sans fin, une damnation. Je me rappelle avoir filmé les cachalots aux Açores et là en plein milieu de l’Atlantique il y avait du micro-plastique partout. Quoi de plus choquant que ces animaux trouvés morts avec dans l’estomac des centaines de plastiques.
Et en tant qu'artiste, cela fait longtemps que tu utilises l’art pour sensibiliser sur les enjeux écologiques. Pour toi, comment les œuvres peuvent-elles réussir à nous toucher et à nous interroger là où les mots ne suffisent plus ?
En fait c’est le premier film vraiment engagé que je fais. J’ai réalisé beaucoup de films qui mettent en avant la beauté du milieu aquatique et qui sensibilisent les gens mais j’oserais dire d’une manière organique et passive. Là, pour BAKELITE, le parti pris de parler de la pollution plastique et surtout le fait d’être produite par Imagine 2050 et soutenu par On Est Prêt marquent une intention active de parler de la lutte pour l’environnement. Je me rends bien compte que mon travail touche les gens et je voulais profiter de cette attention pour les amener à se poser des questions sur notre rapport à l’environnement et notre impact. J’avais envie passer au stade supérieur et de ne plus « suggérer », mais d’influencer et surtout donner des armes et solutions pour agir.
Quelles ont été tes inspirations pour l’écriture de ce film ?
J’ai eu l’idée de ce film en voyant une vidéo très courte sur le site d’Hortense. C’est, sous l’eau, une forme qui sort du sable et se transforme en chaise. Très simple, sans artifice, à la manière d’une marionnette. J’ai tout de suite visualisé une marionnette géante et j’ai construit le scénario autour de cette vision. Ensuite avec Hortense on a aussi fait la relation avec l’histoire de La Belle et la Bête de Cocteau.
En quoi BAKELITE est un nouveau récit qui se veut inspirant ?
BAKELITE est juste une œuvre de fiction dont l’objet est de capter l’attention et d’interpeller sur notre relation à l'Océan. Comme le film est réalisé sans aucun trucage, le public est captivé par ma performance et le fait que je puisse me déplacer ainsi sous l’eau. Ça remet de la magie dans notre rapport au monde réel et met en avant notre capacité innée en tant que mammifère à évoluer naturellement sous l’eau. Ainsi l'Homme est remis à sa place d’animal qui vient des océans. L’idée est que face à ce constat chacun puisse se poser des questions sur son lien à cet élément, développer une curiosité envers lui pour apprendre à le connaître puis l’aimer et avoir envie de le protéger.
Penses-tu que les nouveaux récits de fiction ont autant d’impact que les nouveaux récits documentaires par exemple ?
Mes armes ont toujours été la beauté, la grâce et raconter des histoires. La fiction et le conte restent donc pour moi la façon la plus efficace de toucher les gens au cœur. Je pense qu’il faut de tout pour faire un monde et qu’il y a autant de sensibilités que d’idées. Donc toutes les narrations et actions sont bonnes si elles sont vertueuses. BAKELITE par exemple ne touchera pas forcément le même public qu’un documentaire, et tant mieux, ça ne fait qu'étendre le champ d’action de la lutte pour la protection de la vie.
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